• Culture au centre, Paris tenu ?

    Pourquoi le contribuable est-il autant sollicité pour l’art et le patrimoine ?

    Est-ce une spécificité française ? Pas vraiment, même si notre langue doit être défendue ne serait-ce que pour accréditer on usage hors du territoire national…

    Pourquoi la « culture » est-elle, politiquement au moins, toujours associée à un autre champ de nos préoccupations spirituelles : l’éducation, le patrimoine ou les affaires étrangères (comme le NEA aux Etats Unis) ?

    La question de la politique culturelle est-elle bien posée ?

    Querelles sans fins autour de l’inculture qui augmenterait : l’esthétique oppose encore nombre de philosophes, comme le champ d’application de l’art que certains voudraient réduire…

    N’occulterait-on pas à dessein que l’art est la méthode de communication la plus partagée, via les « émotions », entre les artistes –témoins de leur temps (?)- et le public ? La culture est bien capable de dépasser les générations, les frontières et les religions malgré la sempiternelle antienne qui se plaît à dénoncer la confiscation du plaisir, de l’étonnement, de la peur que ses pratiques réservent parfois à une minorité –princes ou bobos-.

     

    Paris 1er est au cœur de ce débat puisque culture et économie, art et tourisme, musée et création sont des moteurs de l’économie politique locale.

    Avec 18 millions de visiteurs chaque année devant la Joconde, le Louvre, toujours le plus grand musée du monde fait figure d’ogre culturel pour les 18000 habitants de l’arrondissement : 9000 dans le quartier des Halles, 3000 dans celui du Palais Royal et celui de la Place Vendôme, 1800 à St Germain l’Auxerrois.

    Ce rapport de 1 à 1000 montre :

    -          que la population présente la journée (et pour partie en nocturne) comprend une écrasante majorité de non résidents :

    -          que les personnes venues travailler dans les bureaux et les commerces résidant hors de l’arrondissement central sont à peu près équivalentes aux visiteurs de Paris qui passent quasiment tous par le 1er, qu’ils soient provinciaux ou étrangers.

    Outre le Ministère de la Culture et de la Communication, l’existant comme les projets en chantier (Louvre des Antiquaires, Samaritaine, Canopée, …) comprennent un volet culturel où tous les arts sont représentés, avec de très fortes opportunités et contraintes tant pour l’activité permanente que pour les opérations éphémères (Fête de la Musique, Festival Rock en Seine, Nuit blanche, etc.), avec un retentissement qui va très au-delà de l’arrondissement, quasiment sans équivalent –hormis une vingtaine de « secteurs » des 3 « major cities » PLM, voire de quartiers de capitales-

    Il est clair que l’offre culturelle dans le 1er dépasse le traditionnel combat des slogans : art pour tous (ou pour chacun selon Fred M !) vs. tous acteurs culturels ; les pratiques amateurs et les évènements à vocation plus élitiste.

     

    Acteur, spectateur, passant, consommons sans modération la culture de Paris 1er - internationale, provinciale et locale ! – à la manière de l’immersion du sous marin jaune des Beatles.

    Le croisement des âges et des centres d’intérêt permettent l’expérimentation de projets culturels, éducatifs, touristiques (voire sportifs ou gastronomiques) pour les résidents, les « commuters » de la banlieue[1] , les provinciaux et les étrangers, sans doute également pour les SDF qui de Notre Dame au siège d’Emmaus Solidarité semblent troubler le magnifique ordonnancement de l’architecture du Paris historique.

    Temps périscolaire, pauses (déjeûner ou dédiée), temps libre sont autant d’occasions pour se cultiver, découvrir la nature dans les 40 ha d’espaces verts, pratiquer le sport ou un art, lire, voir un film ou une pièce de théâtre, découvrir musées et expositions.

    Les nouvelles pratiques, liées au numérique à l’économie collaborative ne changent-elles pas aussi nos pratiques culturelles ? Comme naguère dans d’autres pays, le métissage a créé une séquence nouvelle « after office hours » où nombreux sont nos concitoyens aux terrasses pour se rencontrer et inventer une convivialité. Cette dernière est une cible qu’il semble que le législateur poursuit de son inlassable propension à la taxation, aussi nuisible aux libertés nouvelles qu’à l’économie.

     

    Le Paris historique auquel appartient le 1er arrondissement est-il capable, même dans l’Etat d’urgence de joindre l’histoire et l’actualité technologique ou scientifique, d’inciter à regarder vraiment l’architecture et les œuvres d’art, bref d’inciter à un art de vivre à la française, tolérant et inventif, nécessaire au redémarrage économique ?

     

    Quels sont les rôles du personnel politique, du pouvoir, des partis dans le domaine culturel ?

    Pourquoi à partir d’un consensus large autour des 5 concepts ci-après, tant de polémiques, tant de divergences partisanes au point que l’énoncé d’un programme[2] entraîne la levée immédiate de la contestation d’artistes réputés « de gauche » ?

    -          Favoriser la création ?

    -          Favoriser l’accès du plus grand nombre aux systèmes culturels : évènements, musées, pratiques personnelles,

    -          Intégrer l’art actuel dans le patrimoine (local, régional, national, européen, mondial)

    -          Préserver le patrimoine

    -          Faire le lien entre la diversité, l’école, l’économie réelle, les cultes et les symboles distinctifs qui prévalent à notre devise Liberté, Egalité et Fraternité

    Si en ce moment le bilan en matière culturelle, globalement négatif (avancées sur les droits d’auteur et le numérique, loi architecture, loi patrimoine, tandis que le régime social des intermittents les coupes budgétaires remettent en cause nombre de projets), des deux dernières présidences fait l’objet de publications spécialisées, pourquoi n’intéresse-t-il pas plus les électeurs tandis que les élus qui se veulent modernes mettent en avant des compagnes artistes de renom, M Valls, B Le Maire après JP Chevènement pour n’en citer que quelques uns[3] Les compagnes des présidents, les parents des ministres sont-ils les nouveaux ambassadeurs de la culture de notre pays ?

     

    N’est-il pas paradoxal, alors que l’exemple d’une communauté de vue entre gaullistes et communistes sur le sujet de l’art contemporain est révélée dans la petite couronne, alors que la popularité de MM Malraux, Guy et Lang perdure très au-delà de leur engagement partisan, aucun parti de gouvernement aux élections locales, régionales, nationales ou européenne ne met en avant son programme pour la culture française ?

     

     

     

     

    Quel patrimoine, quelles « émotions » demain ?

     

    Du Pont Neuf à la passerelle des arts, de la Conciergerie et la Sainte Chapelle au Palais Royal et au Louvre, de St Eustache à St Germain l’Auxerrois, ni les hôtels particuliers ni les bâtiments qui entourent encore les Halles ne manquent jamais de rappeler l’histoire millénaire de la ville. L’archéologie dans une grande surface du Bd Sebastopol tout proche de la place des Innocents rappelle les cimetières du moyen âge, comme les caves des immeubles anciens les strates de la ville capitale.

     

    Notre arrondissement fourmille d’évènements culturels : de la Comédie française au Théâtre du Châtelet, des Déchargeurs aux cinémas, des lieux de musique à ceux d’exposition avec le près d’un million de passants dans le « hub » des Halles les places vendues chaque jour contribuent à l’économie des quartiers, tandis que la fraction de la population exerçant un métier dans ce secteur elle dépasse nettement la moyenne parisienne, régionale et nationale, comme la part des adultes de moins de 30 ans diplômés de l’enseignement supérieur (39%).

     

    Le grand nombre de chantiers (8 en cours qui rendraient d’autant plus délicate la circulation si la voie sur berge Georges Pompidou venait à être fermée à la circulation pendant ces travaux d’Hercule !) et les polémiques naissantes sur les façades de la Samaritaine rénovée montrent que ce patrimoine est bien vivant. On s’étonne un peu que la résille extérieure du Ministère de la Culture (rue st honoré) fait moins jaser que la façade ondulante en verre des magasins de la Samaritaine…mais si toute architecture n’est pas art, on peut regretter à la fois le manque d’audace des promoteurs privés, le manque de dialogue des acteurs publics trop enclins à faire valoir leurs idées dans ce domaine symbolique, le fonctionnement et l’action des associations de sauvegarde comme celui de la Mairie de Paris, qui jusqu’à présent ont montré plus d’intérêt pour les annonces que pour l’innovation architecturale.

    Les 22 lauréats désignés au début du mois, plutôt dans les arrondissements décentrés, inaugurent cependant un système pour le moins étonnant de partenariat entre promoteur et architecte, que l’on espère respectueux des maître d’œuvre et … moins coûteux pour le contribuable que la version PPP des marchés publics. Faut-il pour autant ne pas commenter l’aspect pharaonique du projet de Maison des avocats à 12000 € le m2 ([4]) alors que la justice est notoirement et de manière récurrente dans un état de dénuement qui nous vaut tant de dysfonctionnements et même des condamnations européennes ? Les liens entre sphères publique et privée plus encore que dans d’autres domaines sont objet de suspicions pas toujours légitimes bien que la dénonciation des « horreurs modernes » soit devenue un sport national, parmi les philosophes notamment, loin de l’esprit Dada.

     

     

     


    [1] qu’il est sûrement préférable de nommer le Grand Paris !

     

    [2] FN

    [3] Les plus féministes auront remarqué que l’inverse « people » est plus rare, hormis Mme Ruggieri et son compagnon sculpteur

    [4] Le Canard Enchaîné du 3 mars

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